Une question revient régulièrement concernant les droits d'auteurs sur le match d'improvisation. Nous allons essayer ici d'éclaircir la question sachant que de toute façon il reste encore sur le sujet des zones d'ombre. (Nous ne parlons ici que de la situation en France)
Pour comprendre ce vaste sujet, il faut le voir au travers de plusieurs prismes: l'histoire, le droit, et la situation actuelle.
L'histoire: La revendication des droits d'auteurs par Robert Gravel et Yvon Leduc est venue peu de temps après la création de la LNI, dans les années 80. Au départ, face à l'expansion internationale, ils ont cherché des intermédiaires dans chaque pays pour percevoir ces droits. En France, ce fût l'Association Française des Ligues d'Improvisation qui a été créée en partie pour cela, mais avec aussi l'ambition affichée de contrôler le développement du match d'impro au profit notamment des ligues professionnelles. Mais légalement cela posait de sérieuses questions, d'autant que tout cela baignait dans un grand flou financier, mêlé d'intérêts personnels pas toujours très clairs. C'est à ce moment que certaines oppositions ont commencé à naître, notamment par Papy à l'époque responsable de la LIDY (Ligue des Yvelines). À l'époque, se posait les mêmes questions. Pourquoi payer des droits d'auteurs sur un spectacle improvisé ? De plus, c'était les débuts du projet Trappes Impro et Papy faisait avec ses collégiens des dizaines de matchs par an. Comment payer des droits d'auteurs sur des matchs qui ne génèrent aucune recette.
Cela s'est donc soldé à l'époque par un refus de la LIDY de payer les droits d'auteurs à l'AFLI.
Le droit: La LNI et les créateurs se sont donc tournés vers la SACD, et ont déposé le texte des règlements et un descriptif du match. Il faut comprendre que la SACD est un organisme percepteur, chargé de percevoir les droits pour le compte des auteurs. C'est en quelques sortes un intermédiaire. Les choses devenaient pour le coup plus claires légalement, pour autant la LIDY refusait toujours de payer. Les auteurs ont donc attaqué en justice la LIDY. La SACD était également représentée dans cette procédure.
S'en est suivie une longue procédure mêlant confrontations, tentatives de conciliation, propositions et contre propositions. De cette longue procédure est ressortie un dilemme complexe. Le match d'impro est un cas d'école. Pour faire simple: si on peut reconnaitre des droits à Gravel et Leduc qui ont créé un concept original, il faut reconnaitre des droits à chaque improvisateur, à chaque match, car lui aussi est créateur du jeu. A cette étape, la SACD a dit que c'était juste ingérable en termes de déclaration, de répartition, etc.
Au bout de cette procédure qui a duré une dizaine d'années, la LIDY (qui s'était renouvelée au niveau des responsables) a conclu un accord. Pour faire simple encore (car je ne connais pas tous les détails de l'accord) la SACD reverse des droits aux auteurs et à la LIDY. Charge à elle de répartir auprès des improvisateurs.
Mais cet accord ne vaut que entre les auteurs et la LIDY. Donc quid des autres?
La situation actuelle: Depuis les années 90, la situation a énormément évolué. Le nombre des ligues a explosé, et la grande majorité des matchs sont amateurs.
Aujourd'hui, quelques ligues, notamment les ligues professionnelles, continuent de payer des droits d'auteurs, ce qui leur permet d'accueillir aussi la LNI. Mais la majeure partie des ligues amateurs ne paient plus de droits. La SACD, devant la complexité de la situation, ne court pas vraiment après les "fraudeurs". Dans certaines régions, certaines ligues se voient parfois demander une déclaration, mais souvent parce que les agents SACD ne connaissent pas l'historique. Et de fait, si vous refusez de payer en arguant que la situation est floue, vous ne serez pas inquiétés, car il faudrait que les auteurs vous attaquent directement, ce qu'ils ne feront pas. D'abord parce que Robert Gravel est mort en 1996 et que ses ayants droits ne sont pas dans le monde de l'impro, et que Yvon Leduc, diminué par un AVC en 2005 n'est plus en capacité de se battre. Pour en avoir discuté directement avec lui en 2009, il m'a fait comprendre qu'il avait un peu jeter l'éponge et que sa seule ambition c'était qu'on respecte son jeu, tel qu'il a été créé.
En conclusion: Le problème des droits d'auteurs en impro en général, et pour le match d'impro en particulier, reste au niveau du droit un peu insoluble. De mon humble avis, Gravel et Leduc ont perdu beaucoup en reconnaissance à s'être obstiné dans cette voie et auraient gagné à opter pour une licence comme c'est le cas pour les concepts de Keith Johnstone. Cela n'écarte pas l'idée qu'il y a des concepts originaux qui sont créés et que leurs auteurs peuvent exiger de ne pas être copiés, plagiés. On retrouve d'autres exemples de formes qui ont été copiées. Quand on créé un nouveau format on peut réclamer, si ce n'est de toucher des droits, tout du moins d'être respecté dans sa création.
Reconnaissons donc à Gravel et Leduc leur formidable concept, en les citant, en respectant les fondements du match, et inventons nous aussi d'autres concepts car la création est infinie.