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Photo du rédacteurJean-Baptiste Chauvin

L'impro: La fin ou le moyen?


Si la plupart des improvisateurs s'accordent à dire que l'improvisation théâtrale est un processus créatif, nous pouvons nous demander quel est l'objectif qui se cache derrière la quête de chacun. Nous improvisons la plupart pour nous produire sur scène mais qu'est ce qui compte: le résultat? La démarche? l'instant? le défi? Difficile à dire. Ceci étant, en observant les projets des uns et des autres dans ce petit monde de l'impro, on arrive à repérer certaines tendances.

Une part assez large des acteurs, pour la plupart amateurs, au sens noble du terme, improvisent pour partager. Amateurs ils sont parce que avant tout ils aiment improviser. Sans doute parce que ça leur fait du bien, parce qu'ils se retrouvent dans un esprit festif, que c'est ludique, qu'ils font pleins de rencontres... Mais quel regard ont-ils sur le résultat improvisé? C'est secondaire. Cela ne veut pas dire qu'ils ne veulent pas progresser et qu'ils n'ont pas d'exigences. Cela veut dire qu'ils improvisent sans à priori artistique. Il improvisent avec tous ceux qui veulent improviser et le résultat doit être avant tout un moment de plaisir. L'improvisation est pour eux un moyen, au service de leur bonheur personnel.

Nous avons ensuite une part des acteurs, composée en majorité de professionnels, qui au plaisir ont associé une quête du résultat. Ce qui compte c'est aussi le résultat artistique. Cette part des acteurs ne se satisfait pas seulement de la part de plaisir à improviser, mais s'interroge sur la finalité, ce qu'elle montre. Cela passe par de la recherche, des tentatives de concepts, des questionnements sur le processus créatif dans lequel se plonge l'improvisateur. Il y a une réflexion sur la forme: quel concept pour quel résultat, mais aussi sur la manière d'arriver à un état d'improvisation qui donnera des résultats nouveaux: spontanéité, émotivité, sincérité...

Ces deux tendances ne s'opposent pas, sauf quand l'une dénigre l'autre, le plus souvent dans un esprit de distinction chère à Bourdieu. Effectivement nous avons souvent entendu des critiques contre les cabarets "ringards" aux catégories farfelues, l'impro "racoleuse", "superficielle", "caricaturale"... Mais ces critiques marquent souvent une opposition qui n'a pas lieu d'être entre la fin et le moyen.

Et le public dans tout ça. Et bien le public aussi va faire la part entre la fin et le moyen. Le public du match d'impro, du catch ou du cabaret va venir participer à un moment de fête, à un jeu de défis. Il aime les bons mots, la connerie facile, la caricature et les peaux de bananes que les improvisateurs vont se mettre sous les pieds. Mais un autre public, ou parfois le même, sera capable d'apprécier une forme longue, et des concepts plus originaux faisant la part belle à l'émotion, à la poésie, la fragilité des personnages.

Le spectateur ne se posera pas mille questions, parce que pour lui il y a un facteur qui réunira la fin et le moyen, c'est l'instant. Quoiqu'on lui propose, si il vient voir de l'impro c'est qu'il veut voir se construire un monde en direct. C'est l'instant sa motivation première. Instant qu'il va voir, mais surtout qu'il va vivre. Donc il n'a pas grand chose à faire de nos questionnements car ils sont par nature détachés de l'instant. Le comédien, le joueur, se questionne avant et après l'impro, pas pendant.

Au delà du spectacle improvisé il y a aussi d'autres motivations, avec d'autres fins et d'autres moyens: c'est l'apprentissage. Nous y sommes forcément sensibles à Improforma, puisque c'est notre maison d'être: apprendre l'impro a d'autres finalités et est aussi un moyen éminemment riche de développement personnel, d'éducation, de socialisation ou encore d'émancipation. Il suffit de voir aussi le nombre de stages, de workshops, d'ateliers proposés dans les festivals, ou à l'Improvidence de Lyon pour comprendre que même le joueur averti, qui se produit souvent sur scène, aime à apprendre parce qu'il se joue à ce moment d'autres choses.

La fin et le moyen sont donc bien souvent imbriqués, et enlacent des motivations souvent différentes mais au sein d'une pratique finalement très unificatrice.


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