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  • Photo du rédacteurJean-Baptiste Chauvin

Impro: Pour en finir (provisoirement) avec la compétition.


Depuis quelques temps, l'improvisation et plus particulièrement le match d'improvisation, est la cible de critiques autour de la notion de compétition. Le match, parce qu'il s'appuie sur un modèle compétitif, ferait le lit d'un jeu où tous les coups sont permis, et où le fort écraserait le faible. Ces critiques se croisent avec un courant pédagogique qui se veut novateur, et qui prône la coopération plutôt que la compétition, avec en sous-texte une perception plutôt guerrière de la compétition.

Pour éclairer le propos, je donnerais un petit exemple de situation dont j'ai été témoin: Deux petites filles, dans un parc (4 ans au plus), se coursaient, et l'une d'elle de lâcher: "C'est moi qui va gagner". Aussitôt, la mère la reprend : "Non, dans la vie y'a pas de gagnant. On est tous tous égaux". Comme si le fait de vouloir gagner venait en concurrence avec les droits de l'homme.

Si j'aborde ce sujet, c'est parce ce discours humaniste et bienveillant en apparence, pose une vérité bien ignorante de ce qu'est la compétition, mais plus généralement de ce qu'est le jeu.

Alors, oui, pour la décharge de certains, notre perception de la compétition repose plus souvent sur des préceptes économiques que sur ce qui fonde la psychologie du sport. L'économie capitaliste s'est emparée de la symbolique du sport en omettant consciemment d'intégrer l'importance des règles, et d'intégrer le fait que ton adversaire est avant tout un allié parce que c'est lui qui te permet de te dépasser. Mais surtout, l'économie omet de spécifier que la compétition sportive est avant tout un jeu, et que le jeu est un cadre social, symbolique, créatif qui nous extrait de la vraie vie, et que c'est en cela qu'il est émancipateur. Alors que quand on parle de compétitivité en économie, on parle aussi de charges, de coût salarial et parfois de plan social. Les conséquences sont réelles et ne relèvent plus du jeu.

Dans un match de foot ou de basket, quand un joueur se blesse, le jeu s'arrête. Dans une course à la voile, si un bateau chavire, les autres se détournent pour venir le secourir. En économie, quand une boite coule, les concurrents récupèrent les parts de marché.

Mais revenons à la compétition en impro. L'analogie au sport, notamment dans le match, semble donc pour beaucoup préjudiciable à l'intérêt même de la qualité du jeu. Encore une fois, ce n'est pas le cadre qui fait l'impro, mais les improvisateurs. Et quand un joueur joue au détriment de l'autre, ce n'est pas le match qu'il n'a pas compris, c'est l'impro.

Aussi absurde que cela paraisse à certains, la coopération, le respect, l'égalité, sont des notions inhérentes au sport de compétition. Pour expliquer cela, je me reposerais sur une définition d'un psychologue québécois, qui accompagne de grands sportifs, Jonathan Lelièvre, et qui dit: "La compétition est un espace où deux adversaires coopèrent pour donner la meilleure version d'eux-mêmes, en se poussant l'un l'autre. Chaque joueur cherche à battre l'adversaire, non pas pour battre la personne, mais pour surmonter les obstacles qui lui sont présentés."

Mon propos n'est pas de dire que la compétition est indispensable à l'impro. Bien sûr que non. Mais le jeu, oui. Le jeu, quelqu'en soit la forme pousse le joueur à se dépasser, à inventer, à découvrir, à créer du lien, à coopérer, à se confronter, bref à grandir. Et ce n'est pas un hasard si il est si fondamental dans la pédagogie. (Je vous invite à (re)découvrir la classification des jeux de Roger Callois)

Comme je dis souvent, si vous n'aimez pas courir sur un terrain en poussant un ballon du pied, ne jouez pas au foot. Allez courir dans les bois, allez gravir une montagne, ou allez jeter des boules en métal avec des copains... Donc si vous n'aimez pas le match d'impro, n'en faites pas, mais n'oubliez pas de jouer avec l'ambition de gagner. De gagner en compétences, de gagner en créativité, mais aussi de gagner en échanges, en émotions, en humanité... Et laissez les enfants gagner. Ils n'en seront pas moins égaux.

Car comme disait Mandela (que j'ai déjà du citer 20 fois): "Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j'apprends"

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