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  • Photo du rédacteurJean-Baptiste Chauvin

Impro: l'insoutenable légèreté de l'être


En parcourant le petit monde de l'impro, je me rends compte d'une tendance, à la fois des approches, mais aussi des pédagogies, de privilégier la spontanéité, la légèreté, l'acceptation, le "oui et", la fraîcheur de la rencontre, etc. À la base, je trouve ça bien, mais ça me pose question. Comme dans un précédent post sur la bienveillance en impro, je me dis que si c'est si prégnant c'est que ça doit être manquant.

Je vois bien que cela participe de plusieurs phénomènes: d'une part le développement en France de l'école américaine qui défend ces approches là, mais aussi d'une volonté des improvisateurs français de toucher ce que le match d'impro a sans doute délaissé, à savoir la sincérité.

Cette légèreté que recherche l'improvisateur est louable car elle le rapproche de son être créateur, de son moi, et donc d'une certaine profondeur émotionnelle. La rencontre avec l'autre devient alors plus forte, plus fusionnelle. Il en ressort des improvisations plus riches en vérité, mais pas plus riches en théâtralité.

Laisser surgir de soi la profondeur de ses sentiments, ouvrir les portes de l'acceptation, se découvrir spontané car on a connecté en soi tous les mécanismes de l'écoute active, qu'on est réceptif, ouvert, ne fait pas de notre production un objet théâtral intéressant.

Cela interroge, pour moi, notre capacité à transformer cette énergie créatrice en spectacle, dont la vocation est de raconter l'histoire d'un autre, d'un personnage, de l'incarnation d'une autre réalité que la notre. Et j'avoue que dans ce que j'observe des spectacles d'improvisation, je reste souvent sur ma fin. Le naturalisme, l'ultra-réalisme de bien des impros laisse un gout de quotidien qui au-delà de faire plaisir à l'improvisateur ne propose pas de projection vers un ailleurs, à travers un personnage riche d'un parcours, d'une histoire, de blessures...

La construction de nos histoires, même si elle est sophistiquée en écriture, est souvent cloisonnée dans un espace figé et avec des personnages fades en caractère. Cela n'empêche pas la sincérité et une vraie connexion émotionnelle, mais il s'agît le plus souvent de la sincérité du joueur, du comédien, et non de celle du personnage.

Si nous avons la prétention de venir sur scène pour raconter des histoires, il nous faut dépasser la pratique qui se cantonne plus à du développement personnel qu'à un vrai travail théâtral. Il nous faut projeter cette sincérité, cette spontanéité dans la construction de personnages dont nous devons forger la personnalité, approfondir l'histoire, définir les rites et coutumes, faire émerger les valeurs. Cela impose d'ouvrir son imaginaire (en ouvrant des livres par exemple), et de s'écarter des modèles dominants de l'imaginaire collectif. Cela impose de travailler sur l'incarnation corporelle du personnage, son caractère (introverti, extraverti, emphatique, égocentrique...), le rapport à son environnement... Et là seulement, l'improvisateur sera au service du théâtre.

L'image qui me vient le plus souvent concernant la construction du personnage est celle d'un marionnettiste. Le marionnettiste, pour faire vivre sa marionnette, doit faire corps avec elle, et alors le spectateur ne voit plus une poupée de bois et de chiffon, mais un être sensible auquel il peut connecter ses émotions. Et le marionnettiste a disparu.

 

ImproForma propose un stage week-end sur la construction du personnage:

WHO's WHO - 10 et 11 juin 2017 - Paris

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